Nouvelle année, nouveaux p’tis potes !
par Mahery
A notre arrivée en février 2018, Justine et moi étions plus qu’ouverts pour animer et développer ce nouvel EcoLieu en mode collectif. Cela s’est vite concrétisé avec une première collaboration de quelques mois avec Maud, de l’équipe Hopineo, puis avec l’arrivée sur les lieux d’Armand, mon père, qui a apporté une dimension qui s’est avérée essentielle au lieu : l’intergénérationnel !
L’expérience avec Maud s’étant déroulée de façon mitigée, de même que l’une de nos expériences précédentes en Vendée, nous étions à l’automne 2018 plutôt réfractaires à l’idée d’intégrer de nouvelles personnes durablement. Puis Antoine a pointé le bout de son nez.
Ensemble, nous avions évoqué par le passé l’idée de faire projet commun et après quelques week-ends et semaines passés à Tucaud, nous prenions tous les quatre (Justine, Armand, Antoine et moi) la décision de « faire collectif » à partir du mois de février 2019. Les « Tucopains » sont ainsi nés. Jacqui, la compagne d’Antoine, nous rejoignait à l’automne 2019 puis, après le décès de Armand début 2020, notre fils Keziah prenait joyeusement le relais de l’intergénérationnel dans les semaines qui suivirent.
Puis quelques expériences de quelques semaines à quelques mois avec d’autres habitants, favorisées notamment à la fois par notre élan et les différents confinements, vinrent ponctuer la vie de l’Oasis entre le printemps 2020 et maintenant.
La théorie du tabouret
Jacqui, Justine, Antoine et moi avons souvent évoqué la possibilité qu’un troisième foyer serait le bienvenu pour faire mieux vivre l’Oasis. En effet, d’une part la tâche est grande ; et d’autre part, à deux foyers, on peut vite se regarder comme deux poissons rouges, chacun dans son bocal.
D’ailleurs, avant l’arrivée de Jacqui, nous étions trois animateurs principaux (Justine, Antoine et moi -Armand étant plutôt dans une phase plus « contemplative » de sa vie) et l’expérience s’est avérée plus facile qu’à quatre (deux couples).
D’où la théorie du tabouret : sur deux pieds, point d’équilibre. Ou plutôt, il s’agit là d’un jeu d’acrobate délicat pour tenir debout. Alors que dès qu’on rajoute un troisième pied, ça tient tout seul ! En revanche, cela demande un poil plus de précision pour que l’assise soit droite et stable, plus de travail peut-être… Encore plus si on veut construire une chaise à quatre pieds, à cinq, etc…
L’analogie avec le collectif est bonne : la construction d’un collectif avec plusieurs foyers demande un investissement certain dans l’organisation sociale et dans le travail individuel sur soi pour développer une participation sincère et authentique dans le groupe. J’aime l’expression anglosaxonne qui parle de ça : « Artful participation » ou « Heartful participation » (jeu de mots ! ;-). En revanche, d’expérience personnelle et de celle de pas mal d’autres écolieux, si ce « travail » peut être long voire fastidieux au premier abord, il est salutaire pour la pérennité du collectif et l’épanouissement de chacun.e en son sein.
Erreurs et enchantements
Après nos premières expériences d’habitat partagé où nous avions pas mal bossé, et devant leur échec (riche d’apprentissage, certes, mais échec quand même) nous avions choisi au départ à Tucaud de la jouer plutôt naturel. Point de travail en profondeur sur l’organisation sociale.
Les rôles se sont répartis assez naturellement, le dialogue était apparemment fastoche, nous avons pondu les procédures d’intégration au doigt mouillé et parfois subit les départs ; et au final nous avons accompli et vécu de très belles choses pendant ces trois premières années, à la fois dans la matière et humainement.
Mais bon, à un m’ment donné, on s’est pris une bonne claque quand même !
En fait, on est loin, très loin, d’avoir pris soin de l’humain comme il se doit. Avec le recul, il s’est avéré difficile pour nous de mettre en place tous les outils que l’on connaît de la sociocratie ou de la permaculture humaine. Seul un échantillon de ces outils et méthodes a été pratiqué pendant ces années et le résultat, point de vue humain, c’est la remise en question globale de certains, la limitation de la parole pour d’autres et l’incapacité à assumer et régler les tensions sereinement. Aouch !
Bon, comme on n’est pas complètement des bétas et, surtout, comme nous avons la chance inouïe d’être bien entourés dans ce Sud-Gironde riche d’alternatives, d’écolieux et de personnes bienveillantes aux expériences et talents variés, nous sommes en bonne voie pour sortir de ce temporaire marasme.
D’abord, selon moi les facteurs clés de non réussite humaine (dans l’ordre, et probablement non exhaustif) :
- Pas assez de pieds sous le tabouret (pas assez d’habitants), ce qui n’a pas favorisé la nécessaire hygiène humaine du collectif.
- Pas de prise de recul suffisamment régulière sur nous-mêmes, favorisée par une quasi constante « double pression » : celle résultant de notre méga ouverture aux autres et notamment à plus de 2000 charmantes personnes venues nous rendre visite depuis l’ouverture de l’Oasis ; celle des quelques 700m2 rénovés ou construits en un peu plus de deux ans, couplée aux 4ha à entretenir et aux quelques p’tis potes à deux ou quatre pattes à soigner.
- Manque d’accompagnement extérieur et de partage avec d’autres écolieux sur des sujets clés.
- Peut-être même une dilution de la raison d’être originelle du projet (l’intention commune), par candeur de la part des personnes sources et, donc, une potentielle perte de repères pour certains.
Et maintenant, les facteurs clés du rebond positif (dans le désordre, forcément) :
- L’accompagnement bienveillant à la gestion de conflit de Fanny (formée à l’Université du Nous), de l’ecolieu voisin Bauloss, qui a mis a nu pas mal de dysfonctionnements et donné l’élan d’une prise de conscience générale chez les habitants.
- Le coaching intense de Audren (Api-Eco) avec les outils de la permaculture humaine, pour d’abord travailler sur soi individuellement avant de passer du « JE » au « NOUS » en construisant un collectif nouvelle génération. Cette prometteuse aventure là est toujours en cours et méritera assurément un ou plusieurs articles dédiés dans les semaines / mois qui viennent.
- L’intégration potentielle de deux nouveaux merveilleux foyers à l’Oasis…
Et les nouveaux, c’est qui ?!
Audren & Paul
Audren, que je mentionnais deux lignes au dessus, est venue pour la première fois en woofing à l’été 2019. Je crois que depuis, elle ne nous a jamais vraiment quittés !
Avec son fils Paul, ils ont notamment passé le premier confinement à l’Oasis et sont devenus au fil du temps des proches.
Audren a posé l’intention de son intégration à mi-temps (une semaine sur deux) l’été dernier. Nous expérimentons ensemble ce rythme depuis l’automne et avons validé ensemble au jour de l’an son intégration « définitive ».
Coach de vie, elle utilise les outils de la permaculture humaine et bien d’autres, remis à sa sauce, pour accompagner les personnes en transition ; à la ville et à la campagne mais aussi au sein d’entreprises comme Chanel. Autant dire qu’elle apporte beaucoup à l’Oasis des Ptis Potes, notamment dans le cadre de la structuration sociale en cours, mais pas que.
Elle est aussi passionnée de jardin et de nature, connaît quelques champignons qu’elle sait faire découvrir aux enfants dans la forêt et dont nous régalons nos papilles. Enfin, son dynamisme dans l’organisation et le développement de la pédagogie de l’asso Mon Pti Pote augure de l’avènement prochain de nouvelles propositions de stages et ateliers à l’Oasis.
Paul, 11 ans, est dingue de pêche ! Mais alors… dinnngue !! Du coup il va nous falloir construire une mare avec des poissons quelque part… Et comme celui-là ne manque pas d’ingéniosité ni de débrouillardise, il va pouvoir s’atteler aussi à la tâche.
Sophie, Ben, Amadeo et Marlon
Partis début 2021 pour une vie familiale nouveau format avec Flèche (leur camping car), les « RobinTrons », comme on les appelle ici, atterrissent à l’Oasis en juin pour un woofing de 10 jours, transformés en trois semaines. Le feeling passe, repasse et re-repasse !
En réponse à leur quête d’un « spot sympa » pour passer la prochaine année scolaire, nous ne tardons pas à leur proposer de revenir un peu plus longtemps en août en vue d’une installation pour leur période cible à partir de septembre. Le format nous paraît top : un engagement pour un an sans ancrer dans le marbre une intégration « définitive ». Idéal pour les uns et les autres. De leur côté cela permet de tester une sédentarisation en habitat partagé à la campagne au sein d’un projet comme le nôtre ; côté Tucopains, cela permet de valider la pertinence et la faisabilité de l’installation d’un foyer supplémentaire sur le lieu.
Sophie accompagne Marlon (bientôt 3 ans) à plein temps dans son développement pendant que Ben s’affaire aux affaires et qu’Amadeo retrouve les bancs de l’école voisine.
Leur profil ? Ce sont des gens sincères, bons, beaux ; autant tournés vers les autres et la découverte que concentrés sur le bien-être de leurs bouts de chou.
Sophie est un bijou de douceur et de sensibilité. Flutiste, guitariste, pianiste, chanteuse, compositrice, elle dynamise l’âme artistique du lieu et personnellement je la trouve… apaisante.
Professionnelle de l’enfance, les idées de projets attachés aux enfants fleurissent pour, peut-être, une mise en route dans les mois qui viennent.
Ben est un magicien ! Curieux de tout, je ne citerai même pas son métier de base tant il le dépasse par ses nombreux talents en matière de bricolage, réparations en tout genre, entretien d’outils… Nous envisageons même de créer des meubles ensemble à relativement court terme !
Lui aussi musicien, il a déjà contribué plus d’une fois à faire swinger la P’tite Auberge, espace polyvalent de l’Oasis, ou même la cuisine collective, au coin du feu.
Quant aux enfants Amadéo et Marlon, ils sont devenus les nouveaux p’tits potes de Keziah et confortent la dimension intergénérationnelle de l’Oasis en y mettant un brin -que dis-je, des tonnes- de vie et de joie.
Le bonheur est dans l’Oasis ?
Vous l’aurez compris ce n’est pas un mais deux foyers qui se sont intégrés à l’Oasis. Et comme on en profite pour revoir l’ensemble de notre organisation sociale, clarifier à nouveau l’intention de chacun pour consolider notre intention commune, cela prend du temps. Et nous avons la chance d’être en phase sur le fait de le prendre, ce temps. C’est dire si les fondations de cette deuxième phase du projet qui s’amorce maintenant seront solides.
Cette transition annuelle que nous avons célébrée ensemble marque le passage du « JE » au « NOUS ». Chacun va pouvoir apporter ses talents, ses opportunités, ses faiblesses pour continuer de co-construire l’œuvre collective qu’est l’Oasis des Ptis Potes, en y faisant sa juste place.
Nous sommes en plein dans la réalisation d’un rêve (en tout cas du mien) : faire société ensemble, à petite échelle, en expérimentant des méthodes et outils qui pourraient servir à d’autres. Viendra ensuite le temps de partager tout cela (toujours en continuant d’expérimenter, un pied devant l’autre), ici dans nos actualités mais surtout avec nos visiteurs qui continuent, nombreux, de toquer à la porte. Merci !
Expérimenter et transmettre. C’est bel et bien notre crédo. Et si cela peut contribuer, même à petite échelle, à inventer le monde de demain, tant mieux ! Car en ces temps pour le moins étranges, il nous semble que le besoin est grand…
En attendant, assurément, c’est bien ce superbe chemin que nous essayons d’emprunter chaque jour : le bonheur. 🙂